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Le sol peut aider à sauver notre planète, nous devons simplement écouter les agriculteurs qui savent comment

21 July 2021
By Tyler Drewes

Lorsque les terres de Drewes Farms ont été travaillées il y a six générations, elles l’ont été avec une charrue tirée par des chevaux. Au 20e siècle, nous avons remplacé les chevaux par des tracteurs, et au 21e siècle, nous avons ajouté des moniteurs de plantation de précision à ces tracteurs. Mais derrière tout cela, une chose n’a jamais changé : la nécessité de protéger notre sol.

Les agriculteurs ont toujours compris l’importance d’un sol bien géré. Ici, dans l’Ohio, aux États-Unis, et en fait partout dans le monde, c’est la base de nos moyens de subsistance : le sol est vital pour les terres saines sur lesquelles nous vivons, pour la nourriture que nous mettons dans nos assiettes et pour les opportunités que nous laissons à nos enfants.

Récemment, l’intérêt pour les sols bien entretenus s’est propagé aux entreprises, aux investisseurs et aux gouvernements, principalement en raison de la capacité du sol à stocker le carbone par le biais du processus appelé « séquestration du carbone dans le sol ». En plantant un couvert végétal hors saison et en évitant de labourer les sols, ce processus de stockage peut être suffisamment amélioré pour qu’un agriculteur (au moins aux États-Unis) obtienne des crédits carbone.

Cela est utile pour les entreprises comme Microsoft et Shopify, qui cherchent à acheter des crédits carbone pour atteindre leurs objectifs d’émissions. En vendant le crédit carbone à une entreprise, souvent via un marché du carbone, les exploitations agricoles peuvent gagner une nouvelle source de revenus qui récompense financièrement leur travail de protection des terres.

Une autre source de revenus prometteuse provient des programmes qui payent aux agriculteurs qui ne labourent pas leurs sols et plantent un couvert végétal. Cela signifie qu’on nous offre des prix réduits pour notre travail de protection du sol, quelle que soit la quantité de carbone stockée dans le sol. Par exemple, je fais partie du programme Bayer Carbon en tant que conseiller dans le cadre du comité consultatif sur le carbone de Bayer.

Être payé pour l’intendance des terres est une idée intéressante pour les agriculteurs, qui ont déjà un fort intérêt à maintenir la santé des sols et sont toujours à la recherche de nouvelles sources de revenus bénéfiques pour l’agronomie.

Cependant, comme je l’ai expliqué lors du Dialogue des producteurs dans le cadre de la réunion des délégués de liaison du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable, organisée avec l’université et la recherche de Wageningen, le programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS) et la Transition rurale équitable, le fait d’utiliser le sol pour lutter contre le changement climatique comporte son lot de défis. Si nous voulons que les producteurs se sentent à l’aise pour investir leur temps, leurs ressources et leur travail dans l’élaboration des pratiques souhaitées, ces défis doivent être résolus.

Une des principales difficultés provient des propriétés du sol lui-même. La capacité carbone du sol peut varier beaucoup d’un endroit à l’autre, même dans le même champ. Ce problème est source d’incertitudes pour les agriculteurs. Si les mesures de carbone du sol sont inférieures aux prévisions après cinq ans d’un couvert végétal minutieux et sans labour, les agriculteurs se retrouvent sans moyen de couvrir les coûts.

Davantage de recherche, d’assistance technique en matière de vérification et de partage des connaissances entre les agriculteurs sont nécessaires pour les aider à mieux comprendre les capacités carbone des sols et la meilleure façon d’utiliser leur mélange de sols unique.

Un autre défi est le paysage déroutant pour la vente de crédits carbone du sol. Chacun des marchés privés promet de payer les agriculteurs pour leur séquestration de carbone selon ses propres règles, avec différentes exigences complémentaires pour la gestion des sols, les méthodes de paiement et les normes de vérification. Cela ressemble souvent plus au Far West qu’à une offre organisée pour les producteurs.

Il peut être déroutant et décourageant de comprendre comment fonctionnent ces marchés. Les agriculteurs sont particulièrement préoccupés par le fait que les règles pourraient changer longtemps après qu’ils aient signés un contrat de vente, ce qui dévaluerait leur séquestration de carbone et les laisserait avec un budget plus bas que prévu.

Bien qu’un agriculteur doive toujours faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’il s’engage pour un contrat à long terme, une réglementation pourrait bientôt être nécessaire pour s’assurer que les règles sont les mêmes pour tous et qu’aucun producteur n’est lésé.

Enfin, la séquestration doit être durable dans tous les sens du terme. Nous avons une règle chez Drewes Farms : si une pratique est saine du point de vue agronomique, environnemental et économique, nous l’utiliserons. Sans les deux premiers aspects, ce n’est pas durable pour notre terre. Sans le dernier aspect, ce n’est pas durable pour nous. Après tout, si notre entreprise ne peut pas continuer à fonctionner, il n’y aura pas de ferme à transmettre aux générations futures.

Actuellement, l’utilisation d’un couvert végétal peut coûter entre 30 et 50 USD l’acre, ce qui représente un investissement initial important pour une ferme familiale. Les programmes comme ceux de Bayer constituent une première étape prometteuse dans le partage des coûts, mais davantage est nécessaire pour nous soutenir pendant cette période de transition coûteuse.

À l’avenir, j’aimerais voir plus d’entreprises proposer d’offrir de partager les coûts avec les producteurs. On ne devrait pas avoir à assumer ce risque seul.

Malgré ces défis, je suis optimiste quant à l’avenir de la séquestration du carbone dans le sol. Il est temps que les producteurs alimentaires soient reconnus comme une solution et récompensés pour leur rôle dans l’entretien des terres.

Mais comme pour toute politique agricole, la séquestration ne sera réussie que si nous écoutons les personnes qui la mettent en œuvre, c’est-à-dire les agriculteurs. Les leaders en matière de politique et d’investissement doivent toujours inviter les producteurs à prendre part à la discussion, et les écouter afin d’apprendre de leur point de vue.

Lors du Dialogue des producteurs, j’ai participé à une vidéoconférence depuis le nord-ouest de l’Ohio, aux côtés d’agriculteurs venant d’Autriche, du Brésil, de Colombie, de France et d’Afrique du Sud. La technologie permet désormais à un agriculteur d’atteindre les décideurs politiques et les investisseurs depuis la cabine de leur tracteur, il n’y a donc plus aucune raison de ne pas faire entendre notre voix.

Les exploitations agricoles familiales comme la mienne sont prêtes à utiliser des générations d’expérience pour mettre en œuvre des pratiques régénératives comme la séquestration du carbone dans le sol. En travaillant avec nous pour répondre à nos préoccupations, les entreprises, les investisseurs et les décideurs politiques peuvent s’assurer que les pratiques de régénération agronomique, environnementale et économique développent un meilleur système alimentaire pour tous.

Ce blog a été publié en partenariat avec l’université et la recherche de Wageningen, le programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, le programme CCAFS pour l’agriculture et la sécurité alimentaire et le World Business Council for Sustainable Development.

La Transition rurale équitable s’engage à amplifier les voix des producteurs divers à travers sa série Insights (Aperçus). Les points de vue et les opinions exprimés dans cette série n’engagent que leur auteur, et leur publication ne constitue pas une approbation par la Transition rurale équitable des positions exprimées.